La Haute Autorité de santé (HAS) vient actualiser ses recommandations vaccinales contre le virus Monkeypox (MPXV). Rien ne change concernant les cibles de cette vaccinationdepuis ses préconisationsde 2022. En revanche, elle recommande deux stratégies complémentaires à celles utilisées en 2022 : l’une préventive pour les personnes non ou incomplètement vaccinées présentant un haut risque d’exposition au virus ; et l’autre réactive pour les personnes en contact avec des cas identifiés. Nouveauté : la HAS recommande l’administration d’une dose de rappel pour les personnes vaccinées il y a deux ans [1].
Nécessité d’une ré-évaluation dans le contexte actuel
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclenché le 14 août dernier une Urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) face à l'émergence en Afrique d'un nouveau clade de mpox. Sachant que l’immunité de la population mondiale contre les orthopoxvirus a quasiment disparu depuis l’arrêt de la vaccination antivariolique au début des années 1980, le ministère chargé de la Santé a saisi en urgence la HAS afin de réévaluer la stratégie vaccinale contre le virus Monkeypox (MPXV) – laquelle avait été mise en place en 2022, suite à une épidémie qui avait touché la zone Europe. La France fait d’ailleurs partie des 13 pays de la zone Europe où le clade 2b continue de circuler à bas bruit: les dernières données publiées par Santé publique France rapportent ainsi 126 cas depuis le début de l’année.
Dans le contexte actuel – en l’absence de cas de clade 1b en France aujourd’hui mais alors que l’émergence de cas sporadiques est probable –, l’avis de la HAS consiste à anticiper l’avenir en répondant à 3 objectifs: prévenir l’émergence du clade Ib du MPXV en France, réduire voire éliminer en France la circulation du clade II, et renforcer l’immunité à long terme pour se préparer à d’éventuelles flambées épidémiques.
Un avis de la HAS concernant plus spécifiquement les voyageurs est attendu dans les prochains jours Dr Grégory Emery
Deux stratégies de vaccination complémentaires
En tenant compte des connaissances disponibles concernant le MPXV, et des données épidémiologiques nationales et internationales, ainsi que sur les données d’efficacité du vaccin antivariolique de troisième génération MVA-BN utilisé en 2022 (commercialisé sous le nom Imvanexen Europe et Jynneos aux États-Unis), la HAS considère que « les cibles de vaccination restent inchangées depuis ses précédentes recommandations » mais recommande de mettre en œuvre les deux stratégies complémentaires suivantes :
Une campagne de vaccination préventive pour les personnes à haut risque d’exposition au virus
La HAS recommande que soient éligibles à une vaccination avec le vaccin MVA-BN (Imvanex ou Jynneos) les personnes à haut risque d’exposition au virus, soit :
- Les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et les personnes trans rapportant des partenaires sexuels multiples ;
- Les personnes en situation de prostitution ;
- Les professionnels des lieux de rencontre sexuelle, quel que soit le statut de ces lieux ;
- Les partenaires ou les personnes partageant le même lieu de vie que les personnes mentionnées ci-dessus.
Une stratégie de vaccination réactive autour des cas identifiés
La HAS préconise que les personnes ayant eu un contact à risque, telles qu’elles sont définies par Santé publique France, ainsi que les personnes immunodéprimées ayant eu un contact étroit avec une personne-contact à risque, soient également éligibles à la vaccination avec le vaccin MVA-BN (Imvanex ou Jynneos). Pour rappel, cette vaccination réactive doit idéalement être administrée dans les 4 jours suivant le premier contact à risque pour avoir une efficacité optimale, et au plus tard dans les 14 jours.
L’Agence du médicament devrait rendre un avis dans les semaines à venir concernant les 12-18 ans Dr Grégory Emery
Concernant les mineurs, faute d’autorisation de marché (AMM) du vaccin pour cette population, la HAS rappelle que la vaccination post-exposition doit être envisagée au cas par cas et dans le cadre d’une décision médicale partagée. «Néanmoins, l’Agence du médicament devrait rendre un avis dans les semaines à venir concernant les 12-18 ans» a précisé le Dr Grégory Emery, de la Direction générale de la santé (DGS) qui s'est exprimé hier.
Pour rappel, la primovaccination avec le vaccin MVA-BN (Imvanex ou Jynneos) repose sur l’administration de deux doses espacées au minimum de 28 jours, ou d’une dose unique pour les personnes ayant bénéficié d’une vaccination contre la variole avec un vaccin de première génération avant 1980 [1]. Pour les personnes immunodéprimées, le schéma est de deux doses complétées d’une troisième au minimum 28 jours après l’administration de la deuxième, quels que soient les antécédents de vaccination antivariolique [1].
Trois évolutions apportées à la stratégie vaccinale
Concernant le public éligible à la vaccination, la HAS apporte trois évolutions par rapport à la stratégie vaccinale définie en 2022.
La population cible non vaccinée ou n’ayant pas terminé son schéma vaccinal (voir encadré ci-dessus) est invitée à le compléter.
Le public cible ayant complété son schéma vaccinal en 2022 est invité à recevoir une dose dite «booster» (voir encadré ci-dessous).
En cas d’infection entre 2022 et aujourd’hui, aucune vaccination n’est recommandée.
De l’intérêt d’une dose de rappel chez les primo vaccinés en 2022 avec un schéma complet
En l’absence de seuil de protection établi, des incertitudes demeurent sur la durée de protection induite par le vaccin. Les études disponibles montrent une diminution importante des anticorps neutralisants dans lesdeuxannées suivant une primovaccination à deux doses. Elles suggèrent également qu’une dose de rappel est associée à une persistance plus longue des anticorps qu'après une simple primovaccination [1]. La HAS recommande donc une dose unique de rappel aux personnes primo vaccinées en 2022 avec un schéma complet.
La HAS conclut son avis sur le faitque les mesures préventives (gestes barrières, isolement…) ont démontré son efficacité pour réduire la transmission, en complément de la vaccination. Le respect de ces mesures reste absolument nécessaire, même pour les personnes vaccinées, insiste-t-elle.
Dépister, prévenir, surveiller
En parallèle de cette stratégie vaccinale, la DGS, de son côté, rappelle qu’une offre de dépistage est disponible sur le territoire depuis 2022. «En cas de symptôme évocateur, la première démarche est de se rendre chez son médecin traitant ou dans un Centre gratuit d'information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD)», a indiqué le Directeur général de la santé qui a, par ailleurs, signalé que la vaccination est totalement gratuite, tant le vaccin que l’acte vaccinal. Il importe également de maintenir les gestes de prévention. «L’utilisation du préservatif, et ce d’autant que l’on ne connait pas son partenaire, reste de rigueur. Les sextoys – possibles vecteurs de la maladie – doivent être nettoyés. Il faut aussi penserà vérifier son état cutané et à prévenir son/sa partenaire en cas de doute.» Et pour toutes questions concernant la maladie, ne pas hésiter à appeler la ligne MPox Info Service 0 801 90 80 69(appel et services gratuits, anonyme et confidentiel). Enfin, la surveillance est renforcée, du fait,notamment, du système de déclaration obligatoire.
Combien de doses de vaccin injectées depuis 2022?
Entre mai 2022 et août 2024, SpF estime qu’environ 155 000 doses du vaccin MVA-BN (Imvanex ou Jynneos) ont été administrées en France, dont 45 % en Île de France. La grande majorité des doses (environ 87 %) ont été administrées entre juillet et octobre 2022. SpF estime qu’au moins 90 000 personnes ont reçu une première dose de vaccin, 64 000 une deuxième dose et 364 une troisième dose. Au total, 96 % des premières doses ont été administrées chez des hommes et 0,7 % chez des personnes âgées de moins de 18 ans.
Quid de la vaccination des professionnels de santé?
Ces derniers doivent appliquer les protocoles standards de lutte contre les maladies infectieuses – dont les mesures de protections classiques pour l’examen d’un patient possiblement contaminé –, a rappelé le Dr Grégory Emery. «En revanche, ils ne sont visés par aucune recommandations vaccinales spécifiques».
Par ailleurs, «un avisconcernant plus spécifiquement les voyageurs est attendu dans les prochains jours» a indiqué la DGS. S'iln'y a pas besoin de se vacciner contre le mpox si l'on se rend dans l'un des pays où la maladie circule activement, néanmoins certaines catégories à risque de la population -à savoir celles avec des pratiques sexuelles à risque, les soignants et travailleurs humanitaires, de même que les personnes avec de la famille dans les pays concernés par l’épidémie et qui vont leur rendre visite- pourraient se voir proposer une vaccination préventive.
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